13.11.2025 Conférence annuelle ESPON Luxembourg

Le logement abordable en régions métropolitaines transfrontalières : Résultats de la recherche et initiatives politiques

Dans le cadre des activités du Point de contact ESPON au Luxembourg, le Ministère du Logement et de l'Aménagement du territoire du Grand-Duché de Luxembourg a organisé une conférence sur la thématique du logement abordable en Europe avec un focus sur le Luxembourg dans son contexte de la Grande Région. A cette occasion, le Ministre du Logement et de l'Aménagement du territoire a adressé un mot de bienvenue aux participants en soulignant la priorité pour le gouvernement d’améliorer l’accès au logement abordable au Luxembourg, en particulier dans les zones frontalières, et a réaffirmé le rôle déterminant de la coopération transfrontalière pour concevoir des politiques cohérentes communes. Au cours de la première session de la conférence, les intervenants se sont penchés sur la problématique du logement dans une perspective européenne, avant de se concentrer sur la situation au Luxembourg et en Grande Région.

 

Selim Banabak, chercheur à l’Université technologique de Vienne a présenté les résultats de l’étude de grande envergure, [ESPON House4ALL] qui donne un aperçu complet et comparatif de la mise en œuvre des politiques du logement à travers l'Europe. Les conclusions clé de l’étude indiquent que :

  • L’inabordabilité touche une grande partie de l’Europe, tant pour l’achat que pour la location. 
  • Les nouveaux entrants sur le marché sont les plus exposés. 
  • Dans certaines régions, acheter un logement modeste nécessiterait plus de trente ans de remboursement.

Après cette perspective européenne, Selim Banabak s’est arrêté sur la situation actuelle au Luxembourg, à travers l’étude de cas sur le territoire de la Grande Région, faisant état de problèmes structurels :

  • Offre insuffisante : La construction reste insuffisante face à la forte croissance démographique (+26 % depuis 2000), ce qui entretient la tension sur les prix et la rareté des logements abordables. 
  • Accès au foncier : Le coût élevé des terrains et leur faible disponibilité limitent l’augmentation de l’offre.
  • Logement social : Le taux de logements sociaux demeure très faible — environ 2 % du parc résidentiel — un niveau nettement inférieur à celui des pays voisins (souvent entre 10 et 20 %). Cette faiblesse structurelle rend la mission du Fonds du Logement et de la Société nationale des Habitations à Bon Marché (SNHBM) d’autant plus difficile

La conférence a ensuite examiné plus en détails les effets de métropolisation du Luxembourg sur le logement dans les territoires transfrontaliers. 

 

Magdalena Gorczynska-Angiulli, Chercheuse à l’Institut luxembourgeois de recherche socioéconomique (LISER) a présenté les résultats d’une étude de 2024 de l’Observatoire de l’Habitat, compétence du LISER, qui offre une photographie détaillée des marchés immobiliers dans l’aire métropolitaine de Luxembourg. L’étude réaffirme un constat connu, la forte tension sur le marché immobilier luxembourgeois, caractérisée par des prix élevés et une offre insuffisante du fait de la croissance démographique soutenue, la rareté du foncier et la faible part de logement social. Selon elle, les perspectives pour améliorer la situation sont la nécessité d’accroître le logement abordable et social, d’optimiser l’utilisation du foncier et de renforcer les politiques publiques pour répondre à la demande croissante.

Face au défi du logement, les dynamiques diffèrent selon les politiques et les contextes économiques. Kristell Leduc, également chercheuse au LISER, a présenté une analyse comparative de la situation du logement au Luxembourg, en France, en Belgique et en Allemagne, basée sur les résultats d’une étude portant sur le taux d’effort et le coût du logement en 2023. Il en ressort qu’au Luxembourg, le taux d’effort des ménages a fortement augmenté depuis la pandémie de 2020 — d’environ 10 % — ce qui rend la situation particulièrement préoccupante.

 

En deuxième partie de matinée, une table ronde, modérée par Nicolas Rossignol, Directeur Adjoint Recherche et Politique du programme ESPON a réunis des représentants institutionnels et des chercheurs, pour une discussion sur les enjeux et les conditions qui permettraient de bâtir des approches politiques communes sur la question du logement à l’échelle de la Grande Région. Les discussions ont abordé les axes suivants :

  • Comment les politiques publiques au Luxembourg et en France se sont-elles adaptées à la crise du logement   
  • Quels outils opérationnels pourraient rendre cette coopération dans le domaine du logement concrète

 

Selon Marie-Josée Vidal, Premier Conseiller de Gouvernement et Coordinatrice générale du DATer au Ministère du Logement et de l’Aménagement du territoire, malgré des politiques foncières qui diffèrent d’un pays à l’autre, de nombreuses actions et outils existent en Grande Région. Exemples : la zone fonctionnelle EGTC Alzette Belval qui travaille sur une stratégie territoriale, le Système d'Information Géographique de la Grande Région (SIG-GR) du MLOGAT, et bientôt le futur Observatoire de l’Habitat transfrontalier. Selon elle, il faut utiliser davantage ce réseau pour arriver à des mesures opérationnelles.

Pour Patrick Bousch, Conseiller de la Direction en matière de politique nationale du LISER, la politique du Logement a longtemps été cantonnée à la politique nationale, contrairement à la politique de la mobilité par exemple. Il ne faut pas voir le logement comme une politique sectorielle à part, mais profiter du mandat en cours où le ministre a la charge à la fois du Logement et de l’Aménagement du territoire pour l’intégrer dans des stratégies globales territoriales.

Travailler à un outil de planification commun, envisager une participation financière conjointe serait une piste souhaitable, selon Clément Gerber, Chef de projet stratégique « SRADDET et prospective territoriale », Région Grand Est.

Côté allemand, en Sarre, Carola Fricke, Professeure. Dr. A l’Université de la Sarre, Département de recherche européenne en sciences sociales a rappelé que les communes disposent d’un ensemble d’outils efficaces pour favoriser la production de logements abordables, notamment à travers les contrats d’urbanisme (Städtebauliche Verträge). Ces dispositifs permettent de négocier avec les promoteurs des quotas de logements à loyers modérés, des contributions aux équipements publics, ou encore la mise à disposition de foncier communal en échange de logements abordables. Souples et largement utilisés en Allemagne, ces instruments offrent une base opérationnelle solide pour envisager des coopérations.

Jean-Marie Halleux, Président du Lepur, Centre de recherche sur les sciences territoriales, urbaines et rurales a apporté son point de vue sur la situation en Wallonie, à travers l’exemple de la commune d’Arlon, où la population belge décroît et qui pratique une politique ‘’défensive’’, dans la mesure où les nouvelles constructions sont réservées aux locaux. Selon lui, une politique du logement doit être collaborative. Il faut réduire les pressions sur le marché du logement en augmentant l’offre sur des terrains déjà artificialisés, et établir une politique générale d’offres et en parallèle une politique adaptée aux profils plus fragiles, comme ce qu’il existe en France.

A la nécessité de ‘’construire plus et plus vite’’, Clément Gerber souligne que malgré l’intérêt que représentent les 1200 ha de friches du Nord Lorrain, son potentiel est limité à seulement 20 % pour la construction de logements, tout en rappelant que la construction d’un projet planifié aujourd’hui ne commence que dix ans après.  

Clément Gerber a ensuite mentionné le travail de l’Agence d’urbanisme de la Lorraine Nord (AGAPE), responsable du Schéma de cohérence territoriale sur le territoire du Nord Lorrain qui a longtemps sous-estimé l’accroissement démographique au Luxembourg, et peine aujourd’hui à prendre en compte les stratégies du PDAT du Grand-Duché. En effet, pour tenir compte de la projection du PDAT, l’AGAPE va devoir changer de stratégie. Evoquant également la dépendance du Luxembourg sur les besoins en travailleurs frontaliers, il aurait un intérêt à investir dans des projets de construction en France. 

 

Conclusion

La matinée a mis en évidence la persistance et l’aggravation des problématiques structurelles du logement en Europe, de nature multidimensionnelle.

Parmi les solutions envisagées, il apparaît essentiel d’augmenter l’offre de logements abordables, notamment en renforçant le parc locatif à but non lucratif. Il s’agit également de favoriser une meilleure coordination entre les différents niveaux de gouvernance et de renforcer le soutien financier européen. Enfin, la mise en œuvre de politiques véritablement intégrées — prenant simultanément en compte les revenus des ménages, les coûts énergétiques et les enjeux de gouvernance locale — constitue un levier indispensable pour répondre durablement à la crise du logement.

Dans le contexte national et transfrontalier du Luxembourg, les discussions ont tenté de répondre à l’épineuse problématique d’une possible stratégie transfrontalière, malgré les cultures et les politiques foncières différentes. La question du logement étant intrinsèquement liée aux politiques sociales, économiques, énergétiques et fiscales, une approche territoriale fine est indispensable.

 

Pour clôturer l’événement, Wiktor Szydarowski, Directeur d’ESPON EGTC a réaffirmé la nécessité d’actualiser de manière continue les données afin d’avoir une vue affûtée sur les enjeux territoriaux. Dans cette perspective, l’étude [House4ALL] a vocation à poursuivre le Web Scraping initié et ainsi produire des données toujours actualisées.

Pour plus d’informations, veuillez solliciter votre Point de contact ESPON Luxembourg via : esponcontactpoint@mat.etat.lu

 

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